Wood it yourself, Philips

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Wood it yourself, Philips

2009

C’est l’impression d’un ensemble cohérent qui se dégage immédiatement de cette scénographie de matali crasset pour Philips. Car au-delà de la scénographie, c’est davantage une proposition de vie dans un ensemble tout à la fois autonome et ouvert sur l’extérieur qui est ici présentée.

Si bien que c’est à la manière d’un ethnologue que la découverte peut avoir lieu.

Une observation flottante y décèle tout de suite les signes d’une organisation humaine. C’est en effet une impression de vie collective qui se dégage, comme dans un village.

Mais un regard plus attentif révèle la présence d’un principe organisateur, qui fait de cet ensemble un univers cohérent. C’est en effet à partir du même matériau, le bois, et à partir de la même forme, la tige ou le bâton, que tout est pensé et construit. Wood it yourself apparaît comme un tout créé à partir d’un élément de base qui se répète et sert à toutes les fonctions quotidiennes, vitales et organisationnelles. Ce principe de concevoir son habitat avec la même tige est à l’œuvre dans toutes les activités et donne sa cohérence et son identité à l’ensemble. Le village est alors comme l’œuvre d’une société qui manie avec génie un mikado géant et à disposition de tous. Et c’est à partir du jeu, pris dans son sens le plus fondamental d’expérimentation du monde, que tout peut se composer.

C’est donc une sorte de communauté imaginaire dans laquelle vie et organisation de vie se pensent ensemble que découvre l’observateur.

Reste à comprendre le scénario qui organise la vie qui prend place ici.

Sans appartenir à une culture donnée, cette société combine des éléments familiers et exotiques, universels et particuliers. Les fonctions de base comme manger, dormir, fabriquer ensemble, se relaxer, se laver, se réunir, sont naturellement présentes. Cependant, c’est sous un jour nouveau que sont présentées toutes ces fonctions. Grâce au jeu des bâtons à déplacer et à combiner entre eux, chaque action est ici réinterrogée si bien qu’elle devient (ou redevient) une activité. La manipulation des bâtons instaure un rapport de véritable appropriation des éléments. Ceux qui vivent ici sont au plus près de leurs propres artefacts. Le végétal est utilisé au-delà de sa fonction décorative, car il est intégré dans tous les gestes de la vie quotidienne. C’est en effet au quotidien que chacun se fait le créateur de son espace de vie, plantant les tiges, agençant le bois, évaluant les besoins. Le green est naturellement au cœur de l’organisation de vie. La technique est simple, adaptée aux besoins vitaux, elle ne va pas au-delà du strict nécessaire. Les objets sont peu nombreux, ils redeviennent de simples outils et s’insèrent naturellement dans le cadre du quotidien, sans autre statut que celui de leur usage. Car c’est leur inscription douce et fluide dans le cadre domestique qui compte ici.

On entre ainsi dans la zone Home living avec la curiosité de l’observateur d’un quotidien réinventé et optimiste. La cuisine est faite d’une succession de petits espaces en tiges de bambou où espaces de préparation et vastes tables d’hôtes sont pensés ensemble. À différents niveaux du sol et sous la lumière d’une guirlande festive, c’est un espace de convivialité modulable qui s’organise au gré des événements. L’espace de la chambre, Healthy life, donne le juste degré d’intimité et de repos, variable, grâce au jeu d’ouverture et de fermeture des alignements de tiges. Non loin, la salle de bain permet à chacun de réguler son espace de douche et de mesurer son Personal Care en ajustant le nombre adéquat de picots sur le tableau de massage. La garde-robe adjacente est à faire soi-même, en organisant les tiges entre elles pour former des étagères, des patères, des rangements… On avance doucement vers les zones plus communautaires par un espace de transition dans lequel des cadres photos numériques reflètent des nuances de vert et de jaune, source d’une énergie douce et végétale. L’espace bureau, Interactivity, est ouvert et modulable, en fonction des besoins de travail collectif ou de concentration solitaire. De même le salon informel sur sa terrasse surélevée comme une plateforme sur un plan d’eau donne la possibilité de réaliser son propre confort : les tiges, comme les joncs d’un étang, sont à disposition pour former des assises et des dossiers adaptés à chacun et à chaque type de sociabilité.

L’accueil et l’hospitalité ne sont pas des suppléments à la vie sociale, ils sont ici inscrits dans les fonctions de base du quotidien. La réserve centrale accueille ainsi un salon, lieu idéal de regroupement autour d’une cérémonie, par exemple celle du café. Le système n’est ni figé ni clos sur lui-même, car d’autres fonctions sont encore à inventer, comme faire venir l’eau par un ingénieux réseau de bambous.

Un tel rapport à l’environnement instaure une autre relation aux objets et aux lieux, pour devenir des fonctions précises et justes : concevoir la zone pour stocker le nécessaire de fabrication, c’est concevoir aussi la réserve des savoirs indispensables à la vie de la société. Ici, le matériel et l’immatériel ne sont plus deux données distinctes, ils participent du même monde. C’est alors tout un univers de sens qui se déploie et, ce faisant, tout un ensemble de rituels qui, eux, restent encore à imaginer et à expérimenter. 

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Crédits

  • Simon Bouisson