Essentiel de pâtisserie, Alessi

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Essentiel de pâtisserie, Alessi

2010

J’avais depuis longtemps l’intention d’ouvrir l’Encyclopédie Alessi au monde de la pâtisserie en créant un projet important. Et lorsque matali m’a contacté pour nous proposer son projet d’Assiette à gâteau conçue en collaboration avec le pâtissier parisien Pierre Hermé, j’ai pensé que c’était l’occasion idéale.

Vous savez déjà presque tous que, dans la pratique de notre entreprise, lorsque nous abordons des types d’ustensiles spécialisés de cuisine ou de service, nous recourons souvent à la collaboration et aux conseils des meilleurs professionnels de ce domaine spécifique : les grands chefs (de Chapel à Marchesi, à Troisgros, à Ducasse), les experts en gastronomie (Alberto Gozzi), les dégustateurs d’huiles (Lorenzo Piccione di Pianogrillo) ou les virtuoses des sels (Fabio Fassone). Ce que beaucoup ignorent encore, en revanche, est le fait que j’ai l’habitude de participer aussi à ces thèmes d’une manière personnelle : un peu parce que je suis moi aussi un gourmand, et un peu parce qu'il me semble que, si je n'avais aucune culture spécifique dans le domaine que nous sommes sur le point d'affronter, je ne pourrais pas exercer correctement mon rôle de design manager.

C’est ainsi qu’un jour froid de février 2008, à Paris, j’ai décidé de m’inscrire à un cours de pâtisserie dirigé par Hermé, à l’École Supérieure de Cuisine Française « Ferrandi », rue de l’Abbé Grégoire. Cette expérience a été précieuse bien que très difficile, vous n'imaginez pas combien la pâtisserie est un dur métier ! J’ai beaucoup travaillé, en apprenant une grande quantité de choses, qui se sont révélées par la suite très précieuses pour mener à bonne fin les projets que nous présentons aujourd’hui.

 Même si je dois vous avouer que mes collègues du cours – tous des pâtissiers professionnels – ont découvert tout de suite que je n’appartenais pas à leur profession : lorsque, après la première matinée, le collègue à ma gauche, maître pâtissier à l’hôtel Métropole de Monte-Carlo, m’a demandé dans la hâte des préparations : « Passe-moi la maryse ! », j’ai paniqué. Il n’y avait aucune Maryse aux alentours, seulement deux jeunes pâtissières japonaises, pour qui ce nom était improbable, et qu’en plus je n’aurais pas pu « passer » à mon collègue. Morale : dans le jargon des pâtissiers, la « maryse » est tout simplement la spatule longue avec l’extrémité plate en silicone, que l’on emploie pour étendre les crèmes sur la pâte des préparations. Après un premier instant d’embarras, j’ai été accepté par le groupe, même s’ils m’ont affecté à des tâches plus humbles, comme nettoyer par terre ou laver les ustensiles.

À la fin, exténué mais fier de moi, j’ai passé le portail de l’école avec mon beau diplôme de Master au cours de Haute Pâtisserie. C’est ainsi que j’ai pu collaborer en meilleure connaissance de cause à la création de la collection « Essentiel de pâtisserie ».

Alberto Alessi

Dans le cas présent, l'association concerne deux Français : la designer matali crasset et le pâtissier Pierre Hermé. L'amitié qui les lie est loin d’être récente. Ils se connaissent et s'apprécient depuis longtemps, croisant leurs affinités pour les objets, le design et la gourmandise. De cette amitié a germé l'idée de concevoir ensemble une ligne d'ustensiles pour la pâtisserie.

De l’ustensile à l’essentiel

Des outils qui vont à l’essentiel. « En pâtisserie, la forme des outils naît de leur fonction », souligne Pierre Hermé. « Ce n’est pas toujours très beau, mais simplement fonctionnel. Or, ce qui m’a toujours intéressé dans le travail de matali, c’est le lien qu’elle établit entre la fonction et la forme. Elle ne fait pas d’objets décoratifs de façon gratuite. Elle conçoit des objets en réfléchissant sur leur fonction et c’est ce qui leur donne leur harmonie. » Pour comprendre la manière de faire et les usages des principaux ustensiles de la pâtisserie, matali a observé le travail des pâtissiers dans l’atelier Pierre Hermé. Elle a minutieusement étudié ce domaine où tout est précis et rigoureux : les gestes, les proportions, les temps à respecter… et où les ustensiles sont rationnels et extrêmement simples. « Pour chaque outil, explique matali crasset, j’ai choisi de mettre à plat un scénario d’usage pour rester dans cette simplicité. Et j’ai dessiné des objets qui sont à la fois professionnels et généreux, c’est-à-dire accessibles à des non-spécialistes. » Cette approche ne pouvait que séduire Pierre Hermé qui aime mettre la pâtisserie à la portée du plus grand nombre : « On reproche souvent à la pâtisserie d’être trop complexe, j’aime l’idée que ces outils contribuent à mettre la pâtisserie à la portée de tous, en allant à l’essentiel. »

Trois outils et un plateau

La collection « Essentiel de pâtisserie » commence avec les trois outils indispensables à la panoplie du pâtissier (le cul-de-poule, le fouet, la spatule) ainsi qu’un plateau pour servir la tarte ou le gâteau.

Le cul-de-poule

Ce cul-de-poule est un contenant demi-sphérique en inox qui intègre une excroissance arrondie. Dans cette boursouflure, on peut travailler d’abord des petites quantités pour démarrer une recette avant d’utiliser le contenant dans sa totalité. matali : « Je suis partie d’un geste, celui qui consiste à lier des ingrédients, avec l’idée de concevoir un outil global. Il permet d’éviter de morceler les tâches. Avec deux contenants en un, il n’y a plus besoin de changer de récipient. Le mélange se fait dans un seul mouvement. Ajouter cette excroissance est une analogie pour figurer une matière qui se transforme à l’image des ingrédients qui changent d’état en se mélangeant. J’aime aussi l’image du pâtissier qui prend à bras-le-corps son outil, dans un geste à la fois fluide et charnel. En contact avec le silicone antidérapant, le mouvement est plus évident et le maintien plus facile. On se sert de l’excroissance comme d’une poignée. Enfin, en mêlant de l’inox et du silicone, j’ai voulu domestiquer l’univers professionnel de la pâtisserie. »

Le fouet

Cet ustensile intègre deux éléments : un fouet à fils d’inox souples et une corolle munie de fils rigides et gainés de silicone. La corolle s’emmanche et vient se bloquer autour du fouet afin de rigidifier les fils rassemblés. À l’extrémité du manche de ce fouet, un œillet en silicone permet de l’accrocher. Grâce à une corolle qui s’emmanche à volonté, ce fouet se transforme pour deux utilisations. Sans la corolle, dans sa version souple, il sert aux mélanges légers, notamment pour monter les blancs d’œufs. Avec la corolle, plus rigide, il est utilisé pour les mélanges plus denses : les crèmes, les pâtes…

matali : « Donner deux usages distincts à un même outil est une manière de simplifier et de rationaliser le travail du pâtissier. Ce projet permet de fluidifier deux actions en ayant recours à un seul outil. J’ai cherché à ce que la transformation de cet objet soit facile, quasi instinctive. J’ai utilisé un système de fermeture à baïonnettes, très usuel. Là encore, j’ai associé la forme archétypale du fouet avec cette corolle d’inspiration végétale. »

La spatule

La spatule est le résultat de la fusion d’une cuillère en plastique et d’une lame de silicone. Elle a donc deux fonctions : la partie rigide sert à remuer en début de recette et la partie souple permet de parfaire un mélange et de racler pour vider le contenant.

matali : « C’est une hybridation. On croit ne jamais pouvoir changer les outils qui au fil des années se sont épurés, perdant tous leurs artifices. Pour cet objet, l’idée est de faire une mutation plutôt qu’une évolution en fusionnant une spatule et une cuillère. C’est l’union de deux matériaux, le plastique et le silicone, du souple et du rigide. Les deux couleurs, crème pour la cuillère, orange pour le silicone, rendent lisibles les deux usages. »

Le plateau

Ce plateau est un présentoir à gâteau ou à tarte. Il est constitué de trois parties : un centre rond, un petit anneau et un grand anneau. Leurs bords sont biseautés pour qu’ils puissent s’imbriquer les uns dans les autres et pour faciliter leur préhension. Ces trois éléments en mélamine peuvent être à la fois réunis en un seul objet et dissociés à tout moment. Par leur épaisseur, ils forment un support à l’aspect dense et compact. Chaque élément a une couleur spécifique : marron, orange et crème, qui montre que l’objet est modulable et évolutif.

matali : « Ce plateau est un piédestal. Il est vraiment là pour mettre en scène le gâteau, une mise en scène de la pâtisserie de qualité, une invitation à devenir gourmet. C’est un objet familial à utiliser au quotidien : à deux, on n’utilise que le centre ; à quatre, on ajoute un anneau et le second si l’on est plus nombreux. J’ai eu cette idée de plateau en repérant les cercles concentriques à gâteaux. Là encore, la gamme de couleurs est travaillée pour dégager une harmonie à la fois vive et alléchante. »

La collaboration de matali et Pierre avec Alessi pourrait bien à l’avenir se décliner sur d’autres ustensiles : un rouleau à pâtisserie, un thermomètre de pâtissier, des moules à gâteaux…

 

 

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Crédits

  • Bernard Winkelmann
  • Giacomo Giannini
  • Tania & Vincent