Common stove, BIO 25, Faraway so close, 25th Biennal of Design, Ljubljana

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Common stove, BIO 25, Faraway so close, 25th Biennal of Design, Ljubljana

2017

 

projet financé et présenté dans le cadre de la 25ème Biennale Faraway, so close de Ljubljana

commissaires : Angela Rui & Maja Vardan

“La nature a été longtemps considérée par les humains comme une mère aux capacités nourricières illimitées.... Son caractère de finitude est apparu de plus en plus nettement.

La planète terre se révèle chaque jour un peu plus comme un monde clos.

L’air, la terre, le feu énergétique ont déserté le monde des divinités transcendantes pour entrer dans la catégorie des “ressources naturelles non renouvelable.”

in “Qu’est-ce que l’écosophie” de Félix Guattari, éditions lignes

Longtemps l’arbre a incarné le mieux le lien entre le monde où habitent la divinité et le monde inférieur : le domaine des humains, voire le monde souterrain où il plonge ses racines.

Il s’agit de la plus haute construction biologique unissant le spirituel – vertical - à la matérialité – horizontale -, l’homme se trouvant à la rencontre de ces deux axes.

La Slovénie est le quatrième pays le plus boisé d’Europe, 60% de l’espace est occupé par des forêts.

matali crasset a réalisé suite à une période immersive d’un an, dans le cadre de la Biennale BIO 25 , un projet permanent et public dans la ville de Kočevje en Slovénie placé aux bords d’une forêt et à proximité d’une forêt primaire, interdite aux hommes.

Ce travail s’inscrit dans la réflexion de la designer sur la question du vivre-ensemble, de la ruralité et prolonge son interrogation sur le design et sa capacité à proposer à des plateformes de vie.

La question de l’industrialisation et du design au tournant du XIXe et au début du XXe siècle a été l’occasion d’interroger des choix de sociétés. C’est l’occasion pour matali crasset d’interroger et convoquer des figures inspirantes : du socialiste utopiste, Martin Buber, l’anarchiste végétarienne Sophia Zaikowska, de la pacifiste libertaire et pédagogue Madeleine Vernet, de l’inventeur social Jean-Baptiste André Godin…

La plate-forme pensée pour la forêt de Kočevje est une synthèse de ces recherches.

La sociabilité se niche parfois des interstices, au coin du feu pourrait-on dire littéralement. Il existe encore en Slovénie la tradition du poêle de masse en céramique, dans lesquels souvent sont incorporés des fours ou des bancs. Ce sont donc autant des objets pour cuire, chauffer que de se réchauffer, que des espaces de vie pour certains, comme on peut le voir dans la maison-atelier de Jože Plečnik.à Ljubljana.

Ce type de poêle existe en France en Alsace sous le nom de kachelhofe, kochlofa ou kachelow, kunscht en Allemagne, petchka en Russe, kakelugn en Suède….

Le fonctionnement du poêle est basé sur la restitution d’une intense flambée de quelques heures, une fois le feu éteint le poêle restitue l’énergie jusqu’à 24 heures sous forme de chaleur douce.

C’est un accumulateur de chaleur. Un poêle à bois est généralement construit de préférence au centre de l’habitation dans une pièce assez grande.

Habituée aux oxymores, matali crasset a déplacé cet objet intérieur vers l’extérieur en l’investissant de la figure, la forme du golem protecteur.

Cet espace de vie en lisière de la forêt se propose donc pour la communauté de Kočevje d’inventer et proposer de nouveaux rites de sociabilités et de rencontres.

“matali crasset a développé une démarche critique et constructive pendant un an avec une équipe de sept à huit jeunes designers. En balisant le terrain contextuel et théorique à l’aide de Simmel, Tonnies, Weber, Buber ou Owen, Fourier, Canet et Godin, en les associant aux expérimentations reposant sur des utopies littéraires de Saint-Simon à More et de Campanella à Kropotkine, crasset repense les arts dans une relation étroite à la société tout en interrogeant la pratique du design du point de vue de sa socialisation communautaire.

Son projet pour la biennale noue un ensemble d’échange entre les villageois et la forêt, la replaçant au centre d’une vie communautaire. Pour ce faire, l’équipe élabore des workshops avec les détenteurs des pratiques vernaculaires et populaires, s’emparant autant du carnaval que des travaux des mineurs. Le projet s’articule sur trois niveaux d’intervention : la vie de la forêt (exploiter le potentiel sylvestre), la vie dans la forêt (revisiter le travail des colporteurs d’ustensiles en bois) et la connexion avec la forêt en imaginant de nouvelles relations avec celle-ci.

La Slovénie comprend 60 % de forêts où par le passé des communautés se sont  établies. Dans le village de Kočevje qui la borde, les habitants vivaient autrefois peu ou prou de l’économie sylvestre. Quand des populations allemandes ont émigré en Slovénie, certaines se sont installées à la fois dans la ville et dans la forêt. Ils ont développé une nouvelle économie : une production artisanale et la vente ambulante d’ustensiles de cuisine en bois. Cette forêt a aussi abrité des marginaux, des communautés et même un hôpital pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais, en 1933, quand Hitler est élu en Allemagne, la communauté de colporteurs déserte la forêt et rejoint son pays d’origine emportant avec elle son savoir-faire. Les innovations qu’ils avaient apportées à la ville tombent alors en désuétude. Aujourd’hui, les commerces qui ont survécu découlent de la seule vente du bois brut, et non de sa transformation, et elle rapporte peu ; les dernières entreprises sylvestres ferment et la population vit chichement.

Forte de cette forêt qui n’est pas un lieu de promenade pour citadins pas plus qu’une ressource économique dans laquelle puiser, matali crasset a développé un projet à la fois simple, ancré  dans la situation locale. À partir de la théorie de M. Buber qui postule que les germes des communautés primitives ne s’éteignent jamais et restent dans l’attente d’être réactivés couplée à une analyse soignée des utopies politiques reposant sur l’idée de partage et de communauté, Occupying Woods pourrait modifier subtilement la nature de la relation entre les habitants et leur forêt.

Le poêle : quand le design crée un espace pérenne de sociabilité

Sur l’ancien site des pique-niques des mineurs de la forêt, matali crasset poursuit son travail de mise en œuvre d’un design conjointement pragmatique, utopique et manifeste. C’est a partir des poêles ornementés en carreaux de céramique vernissé de couleur, de taille et de dimensions variées, ces architectures miniatures parfois complexes tant les niveaux se superposent permettant de trouver plusieurs hauteurs où s’asseoir pour se tenir au chaud telles qu’on les trouve dans les maisons slovènes, que crasset a élaboré une proposition qui survivra à la temporalité de la Biennale pour se mettre au service des habitants à long terme.

Le poêle déjoue la vision unilatérale du design en valorisant l’enjeu social tout en conservant la subjectivité individuelle. Il associe des polarités comme le fonctionnalisme et la fonction décorative, les mœurs et les imaginaires ; la production et les systèmes de relations, l’usage et la fonction symbolique et poétique. Modeste en tant qu’objet, le poêle est à la fois fonctionnel et symbolique.

Symbolique à double titre car si traditionnellement il réunit les familles, les villageois et les communautés à ses côtés, crasset associe le poêle au mythique Golem, cette créature pacifique de légende faite de terre qui est au service des hommes afin de les protéger. Elle en a conçu un espace-poêle multifonctionnel permettant non seulement de se réchauffer dans la forêt, mais aussi de disposer à loisir d’une plaque chauffante pour manger et boire, y faire du thé par ensemble ou pour y cuire son pain, pour se réunir, jouer aux cartes, ou encore se retrouver à l’occasion du Festival du bois. Le poêle réchauffe, mais il endosse le rôle dévolu à l’âtre : il réunit les habitants du village et de la forêt. Halte pour les chasseurs ou rendez-vous romantique sous la lune pour amoureux, aire de jeux pour écoliers ou carrefour pour les ramasseurs de champignons, nul doute que ce Golem en céramique industrielle n’apporte une contribution décisive dans la réappropriation de la forêt par les communautés vernaculaires. ”

Alexandra Midal

 

matali crasset, The common stove, 2017

Banc / foyer de masse thermique à chaleur rayonnante, en béton réfractaire, recouvert de carreaux de terre cuite vernissée

L 4,5 x  l 2,6 x  h 2,65 m

Fabrication : Robert Žuman

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Crédits

  • Mojca Mihailovič-Škrinjar / Peter Giodani