Permis de construire, Domeau & Pérès

Permis de construire, Domeau & Pérès

2000

“Faire d’un canapé un canapé pour les adultes, mais aussi un possible jeu et espace de jeu pour les enfants. L’espace des possibles. Et balayer les interdits. Nous avons tous entendu dans notre enfance cette phrase de nos parents : ne monte pas sur le canapé avec tes chaussures…
Permis de construire est un objet qui fait le lien entre deux générations et lie du temps, car le temps des enfants et celui des adultes ne sont pas les mêmes. Dès lors, pourquoi ne pas penser certains objets de notre habitat de manière à ce qu’ils libèrent la vie ? Pourquoi accorder autant d’importance au canapé, alors que la fonction principale de cet objet est principalement de s’asseoir pour regarder la télé et que, le reste de la journée, cet objet est mort ?
La première présentation a eu lieu avec la complicité de Luisa della Piane dans sa galerie à Milan dans le cadre de l’exposition Babybloom en parallèle au salon du meuble de Milan en avril 2000.”

matali crasset

* : Milan, galleria Luisa delle Piane, “Babybloom”, exposition organisée par Luisa delle Piane et matali crasset, avec des propositions de Andrea Blum, Ronan Bouroullec, Konstantin Grcic, Kauzyo Komoda, Massimo Morozzi, Ron Orb, Denis Santachiara, Oliver Vogt + Hermann Weizenegger.

 

Permis de construire

Sofa-jeu de construction pour enfants

“Il y a un temps pour tout”, a-t-on coutume de dire. À observer ce "sofa-jeu", on revisite cet adage. Il y a une structure composée, un canapé avec son assise et ses accoudoirs, et il y a une structure démolie : un ensemble d’éléments à manipuler et à agencer. Il y a l’objet de la maison, il y a le jouet. Il y a le lieu des rites sociaux (boire un verre avec des amis) et il y a l’espace du jeu (faire une cabane avec les blocs de mousse).

Mais est-ce à dire qu’il y a deux mondes, celui des enfants et celui des adultes ? Y a-t-il vraiment deux temps, celui de "l’être social" et celui de "l’être ludique" ? À bien y réfléchir, le sofa-jeu est, certes, un sofa pour adultes et un jeu pour enfants, mais c’est aussi peut-être un jeu pour adultes et un canapé pour enfants. Cette structure multifonctionnelle semble en effet permettre un certain retour à "l’enfance de l’homme" au sens que le philosophe Giorgio Agamben donne à l’enfance, à cette capacité de vivre une "expérience authentique", de faire d’un événement une véritable expérience. "Tâche de l’enfance : intégrer le nouveau monde à l’espace symbolique. L’enfant, en effet, peut faire ce que l’adulte n’est absolument pas capable de faire, à savoir reconnaître le Nouveau", disait aussi Walter Benjamin. Comme si, avec le sofa-jeu, parce qu’il n’est pensable qu’en tant que figure double de la construction-déconstruction, du rite et du jeu (le rite structure, le jeu déstructure), était offerte la possibilité de brouiller les pistes entre ce qui est connu, reconnu et symbolisé (l’idée de canapé et ce qu’elle induit comme comportements sociaux) et ce qui est encore inconnu et ouvert à tous les possibles (les éléments à jouer qui peuvent se combiner à l’infini). Jouer avec l’idée de canapé, c’est une façon d’ironiser avec le rite.

Contre toute attente, faire l’expérience d’un sofa-jeu, qu’on soit grand ou petit, c’est peut-être alors, avec ses éléments disparates qui prêtent au jeu, se donner enfin le "permis de déconstruire".

Emmanuelle Lallement

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Crédits

  • Tania & Vincent
  • Patrick Gries, courtesy Domeau & Pérès